S’offrir la déconnexion
Alors que le télétravail s’est démocratisé durant la pandémie de COVID-19, le temps passé en ligne a augmenté. Cette hyperconnectivité peut entraîner un stress numérique, du cynisme et du négativisme, voire un épuisement professionnel, selon une étude réalisée en 2020 par l’Institut national de la santé mentale et des neurosciences de Bangalore. Si certains employeurs sont sensibilisés à ce phénomène et peuvent guider leurs employés, les travailleurs autonomes doivent voir eux-mêmes à s’accorder des moments de déconnexion.
Certains pays, comme la France, ont légiféré pour encadrer le droit à la déconnexion, mais rien sur ce plan n’est encore prévu dans les lois québécoises. Quant au gouvernement fédéral canadien, on réfléchit actuellement au phénomène, mais il n’est pas question d’adopter une politique de déconnexion pour le moment.
« Il faut savoir que si le droit à la déconnexion numérique a été intégré à la loi française, son aménagement concret est laissé à la discrétion des employeurs », précise Georges Samoisette Fournier, CRHA, avocat en droit du travail et de l’emploi chez BCF Avocats d’affaires. Les travailleurs autonomes français doivent eux-mêmes négocier ce principe dans une entente contractuelle préalable, selon lui.
Garantie par écrit
« En général, les travailleurs autonomes vont conclure une entente avec leurs clients ou employeurs concernant le contenu de la prestation de service, mais pas l’aménagement de l’horaire qui doit mener à l’exécution de ce travail », souligne Me Samoisette Fournier. Il pourrait donc être utile d’inclure dans l’entente, lorsque cela est possible, un nombre d’heures ou une date d’échéance qui convient à l’horaire des travailleurs autonomes. Rien ne les empêche de préciser par écrit des moments où ils ne seront pas joignables dans la journée.
Pour Me Samoisette Fournier, la difficulté de l’exercice est de tracer la ligne entre les besoins du client et les limites du travailleur autonome. « En pratique, il va mettre de l’avant la qualité de son travail, ses tarifs et ses disponibilités, explique l’avocat. Mais les délais sont parfois courts : à ce moment-là, même si le travailleur autonome a entièrement le droit de s’octroyer des moments libres, il aura inévitablement des contraintes de temps. »
Selon l’avocat, les gestionnaires qui font appel à des travailleurs autonomes pourraient également les sensibiliser. « Il peut être utile de rappeler que ce n’est pas parce qu’ils envoient un courriel à 20 h que leurs employés ou collaborateurs doivent y répondre immédiatement », illustre-t-il.
Chacun ses limites
Pour Jacqueline Arbogast, psychothérapeute et membre de l’Ordre des psychologues du Québec, le travailleur autonome doit définir ses propres limites.
« Le fait d’être devant un écran à longueur de journée et d’enchaîner les réunions virtuelles peut être très énergivore », témoigne Mme Arbogast. Si l’on ajoute à cela une trop grande charge de travail, le surmenage lié au stress numérique peut survenir rapidement.
Dans la dernière année, certaines personnes se sont réfugiées dans le travail puisqu’elles n’avaient rien d’autre à faire à cause des restrictions sanitaires, selon la psychothérapeute. « J’ai des patients qui sont allés bien au-delà de leurs heures parce que leur emploi leur occupait l’esprit; c’était comme une issue de secours », observe-t-elle. Mme Arbogast suggère, dans la circonstance, de se trouver d’autres occupations physiques ou intellectuelles et des loisirs pour combler ce manque intérieur. Les travailleurs autonomes peuvent aussi se programmer des alarmes, durant la journée, pour se rappeler de faire des pauses.
Apprendre à dire non
Afin de mieux définir ses propres limites, il est également fondamental de revoir ses valeurs selon Jacqueline Arbogast. « Il faut valoriser le respect de soi et de l’autre comme le client ou la famille, explique-t-elle. Il est aussi nécessaire de s’interroger sur ce qui est vital pour nous, ce qui nous fait du bien. »
Pour concilier travail et famille, par exemple, les travailleurs autonomes peuvent réfléchir à un mode de fonctionnement qui leur permettra de passer du temps de qualité avec leurs enfants et conjoint en bloquant des moments précis dans la journée ou la semaine.
« Lorsqu’un nouveau contrat ou client se présente, il est aussi judicieux de demander l’ordre de priorité des tâches, ajoute la psychothérapeute. Il faut apprendre à dire non ou à nommer l’impossibilité de réaliser un contrat avant telle date, par exemple. »
En d’autres mots, mieux vaut privilégier la communication et la transparence que de tout accepter et risquer de bâcler un contrat et d’être hyperstressé.
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