Gérer sa santé mentale en temps de crise : mode d’emploi
Les entrepreneurs, incluant les travailleurs autonomes, sont soumis à de très hauts degrés de stress. En 2017, 46 % d’entre eux estimaient que des enjeux de santé mentale nuisaient à leur capacité de travailler, selon une enquête de l’Association canadienne pour la santé mentale.
L’équilibre psychologique des travailleurs autonomes est souvent plus fragile, selon Marie-Anne Bougie, psychothérapeute et conseillère d’orientation organisationnelle. « Ils vivent davantage d’isolement, explique-t-elle. Ils développent donc moins le sentiment d’appartenance qui peut exister en entreprise et se sentent en général moins soutenus. »
En temps de crise, le risque de précarité est accru pour les travailleurs autonomes, ce qui génère beaucoup de stress et d’anxiété. « On a besoin du stress pour survivre, souligne Mme Bougie. Le système nerveux sympathique envoie des petites doses de cortisol afin de rester vigilant quand c’est nécessaire. »
Les problèmes surviennent lorsque le stress devient chronique. Les sécrétions de cortisol sont alors constantes, ce qui peut entraîner à long terme des pertes de mémoire, de l’hypervigilance, voire la dépression.
« Avec la pandémie, il existe même un risque de développer un trouble de stress post-traumatique, indique la psychothérapeute, qui s’intéresse de près à ce sujet. Cela est lié à un fort sentiment d’impuissance face à une situation imprévue et invisible. »
Il est donc fondamental de prendre soin de sa santé mentale au quotidien. Voici quelques trucs pour mieux faire face au stress.
Visualiser et respirer
Marie-Pierre Caouette, coach certifiée PCC en gestion et neurosciences appliquées, recommande aux travailleurs autonomes de prendre quelques minutes pour faire de la visualisation qui stimule les cinq sens. Par exemple, il est possible d’imaginer une mer, dont les vagues écument sous des goélands qui piaillent à la vue de leur prochaine prise.
Ils peuvent aussi pratiquer la gratitude. « Le plus important dans l’émotion de gratitude, c’est de se demander pourquoi on est reconnaissant envers une personne ou un événement particulier », ajoute-t-elle.
La respiration abdominale au repos peut également représenter une solution pour apaiser un stress intense. Des exercices de cohérence cardiaque très simples sont offerts sur YouTube ou dans des applications mobiles gratuites, comme RespiRelax+.
Pour Marie-Anne Bougie, il est surtout primordial de ralentir et de prendre des pauses. « Il faut activer le système nerveux parasympathique, qui est comme un système d’alarme, illustre-t-elle. On entre un code pour désactiver le système sympathique, responsable du stress. »
Ici, le code représente les saines habitudes de vie, ce qui comprend la respiration abdominale. « Quand le corps est capable de vider lentement les poumons, il réalise qu’il n’est pas en danger », ajoute Mme Bougie.
Bouger et s’exprimer
Marie-Pierre Caouette suggère en outre aux travailleurs autonomes d’aller régulièrement marcher à l’extérieur. S’ils manquent de temps, danser pendant quelques minutes chez soi est aussi conseillé. « Il n’est pas nécessaire d’aller courir pendant une heure, on peut simplement faire quelques mouvements ou des salutations au soleil, propose-t-elle. Le but est d’augmenter les pulsations cardiaques et de déclencher une respiration plus profonde. »
Selon Marie-Anne Bougie, il peut de plus être très utile d’exprimer ce qu’on ressent pour ne pas garder nos émotions à l’intérieur de soi et donner une forme au mal-être. Elle conseille par exemple d’écrire le mot « pandémie » sur un coussin et de le frapper. « Cela peut paraître niaiseux, mais c’est une manière symbolique de reprendre du pouvoir », dit-elle.
Rire
Rire permet de stimuler le nerf vague, responsable de réguler le rythme cardiaque, et ainsi de produire potentiellement des effets thérapeutiques. Ce n’est pas par hasard que le yoga du rire a gagné en popularité ces dernières années. La coach recommande donc de faire des pauses de travail en allant regarder des vidéos humoristiques, par exemple.
« Ce sont des petites choses à intégrer dans son quotidien environ trois fois par jour pour prendre soin de sa santé mentale, souligne Mme Caouette. Il ne faut pas voir ça comme une tâche, mais comme un réflexe, de la même manière qu’on se brosse les dents après avoir mangé. »
Qui plus est, Mme Caouette propose de consulter des capsules vidéo pour s’initier à la méditation.
Cerner les sources de stress
Tout en pratiquant ces exercices, les travailleurs autonomes ont avantage à déterminer les sources de leur stress. « On aura beau faire de la cohérence cardiaque, ce ne sera pas très bénéfique si l’on ne s’en sert pas pour aller chercher plus sereinement la véritable cause de nos problèmes », dit Mme Caouette.
La neuroscientifique et directrice du Centre d’études sur le stress humain de l’Institut universitaire en santé mentale de Montréal, Sonia Lupien, a d’ailleurs créé l’acronyme CINÉ pour qu’on puisse évaluer les caractéristiques de notre état d’agitation : contrôle, imprévisibilité, nouveauté et ego menacé. Par exemple, avez-vous l’impression d’avoir peu de contrôle sur une situation avec un client? Ressentez-vous de l’anxiété pendant la crise sanitaire au cours de laquelle l’incertitude plane? Vivez-vous de la nouveauté dans votre travail? Vous sentez-vous incompétent dans un mandat?
Ces questionnements sont fondamentaux pour cerner les sources de stress. « Ensuite, on peut passer à l’action et se créer un plan de match pour trouver des solutions », insiste Mme Caouette.
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