Attention aux dépendances!
Les travailleurs autonomes ne sont pas immunisés contre les dépendances, surtout en période de crise. Pour tenter d’échapper au stress ou à la détresse psychologique, ils peuvent parfois recourir à l’alcool ou aux drogues.
Pour la Dre Monique Bessette, psychologue et directrice de l’Institut Victoria, situé à Montréal, la consommation d’alcool ou de drogues correspond à une tentative de se protéger d’un mal-être.
« Ce qui rend les gens susceptibles de développer une dépendance, c’est de souffrir au-delà de ce qu’on sent être tolérable, explique la Dre Bessette. C’est de se sentir impuissant et démuni face à un stress chronique dans notre vie ou en présence d’émotions douloureuses qu’on n’arrive pas à apaiser. »
Consommer de l’alcool ou de la drogue dans ce contexte peut être dangereux puisque cela peut mener à une dépendance dont il est difficile de s’affranchir, malgré les conséquences sur la vie personnelle ou professionnelle.
L’effet de la pandémie
La Dre Bessette souligne qu’a priori, les risques de dépendance ne sont pas plus importants chez les travailleurs autonomes. En ayant davantage de contrôle sur les décisions liées à leur carrière, ils ont moins tendance à se percevoir comme des victimes impuissantes, selon elle. « À moins que [ce statut] ne soit pas le fruit de la décision d’une personne audacieuse et indépendante, mais un choix forcé par les circonstances, comme la précarité de l’emploi ou l’incapacité de s’entendre avec des patrons ou des collègues à cause de difficultés psychologiques », fait-elle valoir.
Toutefois, la pandémie a ébranlé de nombreux travailleurs autonomes qui ont perdu presque tous leurs contrats du jour au lendemain. « Ce genre d’épreuve peut déstabiliser le travailleur autonome le plus résilient et fournir un terrain propice à l’installation d’un usage problématique de drogues et d’alcool », précise-t-elle.
En effet, des événements traumatiques collectifs comme la pandémie de COVID-19 peuvent déclencher une consommation abusive de substances, d’après une étude de l’Université de Memphis. Cet usage correspond à une forme d’automédication, soulignent en outre les recherches de l’Université du Manitoba.
« Quand on ne consomme plus pour le plaisir, mais qu’on a besoin de la substance pour être fonctionnel, c’est là que ça devient problématique », indique Marie-Anne Bougie, psychothérapeute et conseillère d’orientation organisationnelle.
Demander de l’aide
Pour Marie-Anne Bougie, il est essentiel, avant tout, de reconnaître le problème de consommation. « Une fois par jour, même en petite quantité, c’est déjà beaucoup », indique-t-elle. Si certains peuvent réduire eux-mêmes le rythme, d’autres auront besoin d’aller chercher une aide extérieure.
« Les sentiments de honte font souvent hésiter à demander de l’aide, estime la Dre Bessette. Vouloir résoudre un problème de dépendance tout seul, car on croit qu’on devrait être assez fort pour le faire, c’est une idée répandue, mais c’est vraiment choisir inutilement le chemin le plus ardu. » Elle insiste : il est normal d’avoir besoin d’aide, d’information et de soutien pour s’en sortir.
Les travailleurs autonomes ou toute personne aux prises avec une dépendance à l’alcool, aux drogues ou au jeu peuvent consulter le portail du gouvernement du Québec consacré à ces difficultés. Il contient un répertoire de ressources publiques, privées et communautaires certifiées.
La Dre Bessette conseille également de contacter le Centre de référence du Grand Montréal, qui présente des ressources communautaires en santé mentale.
Troubles concomitants
Les personnes qui ont un trouble de santé mentale risquent davantage de connaître des problèmes d’alcoolisme ou de toxicomanie, selon le Centre de toxicomanie et de santé mentale (CAMH). « Les personnes ayant ces deux types de problèmes ont ce qu’on appelle des troubles concomitants », peut-on lire dans un rapport du CAMH.
Parmi ces doubles atteintes, on trouve le trouble anxieux et l’alcoolisme, la schizophrénie et l’usage de cannabis, le trouble de la personnalité limite et la dépendance à l’héroïne ou encore la dépression et la prise de somnifères.
Dans certains cas, la consommation peut même empirer le problème initial. Fumer de la marijuana, par exemple, entraîne une aggravation des symptômes de dépression, selon une étude réalisée par l’Université de Californie et le consortium américain de soins Kaiser Permanente.
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